Les rares structures médicales qui fonctionnent encore dans le nord de la bande de Gaza sont soumises à des contraintes inimaginables. Une partie du personnel médical a été forcée de fuir vers le sud du territoire, les bombardements de l'armée israélienne sont incessants et les soignants restants doivent composer avec un accès restreint à l'électricité et à l'eau, dans un contexte de siège. Guillemette Thomas, coordinatrice médicale de MSF pour la Palestine à Jérusalem, raconte.
Quelle est la situation des hôpitaux à Gaza ?
Depuis l’ordre d’évacuation lancé par les autorités israéliennes, qui ont appelé plus d’un million d’habitants à rejoindre le sud de la bande de Gaza, les habitants ont été confrontés à des choix impossibles pour décider de partir ou rester. Pour le personnel de santé, il s’agit aussi de choisir entre abandonner leurs patients à une mort quasi certaine, ou rester au péril de leur propre vie. Certains ont décidé de rester et continuent à travailler malgré les risques.
Nous sommes en contacts réguliers avec certains de nos collègues qui ont fait ce choix et soutiennent les équipes du ministère de la Santé, notamment dans l’hôpital d’Al-Shifa, dans la ville de Gaza, où MSF a fourni une prise en charge des grands brûlés pendant des années. Aujourd’hui, ils subissent le même sort que le reste de la population : ils sont sous les bombes depuis onze jours, d’ailleurs, nous avons été informés par nos collègues que de nombreux médecins et soignants sont morts depuis le début de l’offensive israélienne sur Gaza.
D’après les informations qu’ils nous transmettent, chaque jour, on recense entre 800 et 1 000 nouveaux blessés dans la bande de Gaza. Ces chiffres ne recensent que les personnes qui parviennent à se rendre dans les hôpitaux. L’accès aux structures de santé est extrêmement dangereux et compliqué par la pénurie d’essence : en général, seuls les patients les plus gravement atteints se rendent à l’hôpital, car faute de soins, ils risqueraient de mourir. Depuis le début du conflit, on compterait ainsi plus de 9 700 blessés. Je considère qu’ils sont en grave danger de mort dans les heures à venir, car il est désormais pratiquement impossible de les soigner.
Est-ce que le système de santé est encore fonctionnel à Gaza ?
On assiste déjà à l’effondrement des capacités de traitement. Dans les hôpitaux, le personnel soignant ne peut plus correctement soigner les blessés, ni même en admettre de nouveau, tout se fait dans des conditions extrêmement dégradées, en sous-effectif et sans le matériel médical nécessaire. Il y a un flux continu de patients et de blessés graves, avec des traumatismes complexes, des brûlures, des fractures ou des écrasements.
L’hôpital Al-Shifa, la plus importante structure de santé de Gaza, est aussi devenu un lieu où des milliers de personnes se sont déplacées, dans l’espoir d’y être mieux protégées des bombardements incessants. Alors que Gaza est dans le noir, Al-Shifa est un des seuls endroits qui dispose encore d’électricité, mais encore pour 24 heures maximum, car les stocks de carburant s’épuisent. Concrètement, quand il n’y aura plus d’électricité du tout, de nombreux patients vont mourir, notamment ceux qui sont dans les services de réanimation, de néonatalogie et sous assistance respiratoire. Et une pénurie générale de nombreux médicaments condamne les patients atteints de maladies chroniques, le diabète, le cancer, mais aussi les femmes enceintes.
Que sait-on des conditions de vie des personnes déplacées, dans le sud de la bande de Gaza ?Aujourd’hui, on estime que 60 % de la population de Gaza, soit plus d’un million de personnes, vit dehors et n’a accès à rien. Ils manquent d’eau et d’accès aux soins, plus aucun soin de santé primaire n’est disponible, car les cliniques sont fermées. Les conditions d’hygiène sont très mauvaises.
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