« Être mère à Gaza / C’est ne pas dormir / C’est tendre l’oreille / Dans le noir / Tâter ses moindres franges / Trier un à un tous les sons / En choisir un, de quoi créer / Un conte à sa mesure / En faire une berceuse / Et quand tout le monde dort / Se dresser comme un bouclier / Face à la mort. » Ces vers, qui disent l’absence de répit, ont été écrits sous les bombardements israéliens à l’automne 2023 par la poétesse gazaouie Nemat Hassan.
Sur le parvis du Centre Pompidou, à Paris, un petit groupe de personnes déclame, depuis novembre 2023, des poèmes pour condamner les crimes d’Israël et pour admirer l’âme de Résistance.
Inspiré de la tradition des salons littéraires en France, la poésie s'invite dans la mobilisation pro-Palestine.
« Au début, nous étions quatre : deux amies françaises, un ami franco-libanais et moi », raconte Hakim Sabbah, cofondateur de l’association Project Hope, à Naplouse, en Cisjordanie.
Depuis le 15 novembre 2023, celui-ci a rassemblé des bénévoles pour assurer une permanence poétique dans la rue. Certains passants les prennent en photo, font un petit signe de tête approbateur.
D’autres les ont rejoints, parmi lesquels la poétesse et journaliste marocaine francophone Rim Battal ou la comédienne Anne-Claire Andersen. Aujourd’hui, ils sont une quarantaine à se passer le mot sur les réseaux sociaux. Ils viennent du monde associatif et militant, artistique et étudiant ; ils sont venus en soutien, comme le franco-marocain Yannis Arazam, doctorant en philosophie en France.
Se faire l’écho d’une tragédie
Sur place, ils sont deux ou trois à lire en français et en arabe des poèmes écrits par des Palestiniens. « Ça n’est pas toujours facile de maintenir cette action tous les jours, on ne s’attendait pas à ce que ça dure si longtemps », note Hakim. Un an de rendez-vous quotidiens pour se faire l’écho de cette tragédie.
« Tout poème est un espoir », pour cet homme originaire de Cisjordanie, où sa mère et d’autres proches habitent toujours. Tout comme pour le poète irakien francophone Chawki Abdelamir, directeur général de l'Institut du Monde Arabe de Paris, s’exprimant ainsi dans le dernier numéro de la revue Po & sie : « Que peut faire aujourd’hui une poétesse palestinienne dont la terre a été occupée et le présent confisqué comme son corps ? Une poétesse qui ne possède que son poème, dans une langue elle-même captive, une langue marginalisée tel un palais dans les contes des Mille et Une Nuits ? Tout est fini et il ne reste que le récit… »
Soutien psychologique et hommage
Chaque jour sur cette même esplanade, les uns et les autres se réunissent, le plus souvent dans un pieux recueillement, toujours dans un cœur-à-cœur avec le peuple palestinien. « Par l’enfer qui tombe du ciel, retiens-moi père / De m’envoler là-haut / Mes ailes / Sont encore trop frêles / Pour ce vent fort / Et la lumière est si noire », écrivait le poète Mahmoud Darwich, déclamé par l’un d’eux.
Ces lectures sonnent parfois comme des coups de cymbales qui se heurtent à l’indifférence. Si cet acte gratuit paraît confidentiel ou dérisoire, cela ne le rend pas moins fécond « en apportant un soutien psychologique et en rendant hommage à ces poètes et poétesses », réplique Hakim, soucieux de poursuivre cet effort et d’amener ce souffle poétique ailleurs.
Il y a quelques années, il a créé un événement plus politique : le « marathon » de Naplouse, une course à laquelle des Palestiniens participaient entre deux points de contrôle de l’armée israélienne. Soit à peine plus d’une dizaine de kilomètres… Une manière de dénoncer, là encore, la guerre au Proche-Orient et ses conséquences sur la population.
Selon La Vie, les lectures s'organisent sur le parvis du Centre national d’art et de culture Georges-Pompidou, place Georges-Pompidou, 75004 Paris, tous les jours de 13 heures à 14 heures.
Votre commentaire