Abdel Bari Atwan, analyste arabe de renom, écrit dans un article pour Rai al-Youm que l’Égypte traverse actuellement une crise politique et économique sans précédent. Le point culminant en a été la tournée du président américain Donald Trump dans trois pays – l’Arabie saoudite, le Qatar et les Émirats arabes unis –, où il est reparti avec 5 000 milliards de dollars, tandis que les autorités égyptiennes sont incapables de rembourser les intérêts et échéances d’une dette colossale de 160 milliards de dollars.
Il évoque la crise entre les pays arabes du golfe Persique et l’Égypte, qui s’est notamment manifestée par l’absence du président Abdel Fattah al-Sissi lors du sommet des dirigeants à Riyad pendant la visite de Trump. Cette mise à l’écart du Caire avait déjà été perceptible lors de la réunion d’urgence sur la reconstruction de Gaza, où ces pays étaient peu présents, suscitant beaucoup d’interrogations, en Égypte et ailleurs, sur les raisons du refroidissement des relations, en particulier avec l’Arabie saoudite. Les cercles égyptiens attribuent cela à l’opposition d’al-Sissi à l’invitation de Trump à se rendre à la Maison-Blanche et à son refus de reloger les Palestiniens dans le Sinaï.
L'opposition américaine à la modernisation de l’aviation militaire égyptienne et à la fourniture de pièces détachées a poussé l’Égypte à se tourner vers la Chine pour l’achat de chasseurs, ce qui a constitué un coup dur et un véritable choc pour Washington, marquant la première réaction forte du Caire.
L’analyste explique que la tenue d’une réunion tripartite entre l’Égypte, la Jordanie et l’Irak au niveau des ministres des Affaires étrangères a été une réponse à l’absence des présidents égyptien et jordanien lors du sommet de Trump, et illustre la volonté de l’Égypte de briser son isolement et de trouver rapidement des alternatives.
La participation du président égyptien au sommet de Bagdad, auquel les membres du Conseil de coopération du golfe Persique, sauf l’émir du Qatar, n’ont pas assisté, s’inscrit dans cette même logique.
Atwan souligne que la question clé aujourd’hui est de savoir comment l’Égypte réagira aux tentatives de son isolement, et quand ces réactions deviendront publiques. Il affirme sans ambages que l’Égypte fait face à de multiples crises sur différents fronts : le Soudan, profondeur stratégique au sud de l’Égypte, est en proie à une guerre d’usure alimentée par les pays du golfe Persique avec le soutien des États-Unis et d’Israël ; à l’ouest, la Libye connaît une situation similaire ; l’accord de Camp David est de plus en plus violé ; la situation à la frontière de Gaza et de la Palestine occupée est désastreuse. À cela s’ajoute la baisse annuelle de 7 milliards de dollars des revenus du canal de Suez.
L’analyste conclut que la seule issue pour l’Égypte afin de préserver sa grandeur et son rôle stratégique régional est de s’opposer aux massacres commis par Israël à Gaza et au Yémen, et de rompre l’accord de Camp David après ses violations par le régime d’occupation, notamment suite à la prise du corridor de Salah al-Din (Philadelphie). L’Égypte doit se lever et répondre dans un langage que l’ennemi sioniste comprend : celui de la force. Sans cela, l’isolement s’intensifiera, pénétrera au cœur de l’Égypte, et mènera à son éclatement, à la perte de son unité sociale et territoriale, avec à la clé une instabilité similaire à celle du Liban, de la Syrie, de la Libye et du Soudan.
Atwan rappelle enfin que l’Égypte est actuellement le seul grand pays capable de menacer la création d’« Israël Grand » et la refonte du Moyen-Orient selon le plan de Netanyahou. Il avertit que les Égyptiens sont au bord du gouffre et que la politique actuelle produira l’effet inverse, rapprochant la menace israélienne et américaine jusqu’à la moelle de leurs os.
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