Rafael Grossi, dans une interview accordée à CNN, a souligné la nécessité d'une reprise rapide des pourparlers avec l'Iran, a exprimé l'espoir d’être permis de se rendre bientôt en Iran pour discuter avec les responsables concernés de la république islamique d'Iran.
Dans une partie de l'interview, Grossi a qualifié de "préoccupante" la décision de l'Iran de désactiver 27 caméras de surveillance de l'installation nucléaire et a déclaré qu'il serait difficile de parvenir à un accord avec l'Iran sans que l'AIEA ait accès à suffisamment d'informations sur le programme nucléaire iranien.
Les détails de cet entretien sont les suivants :
CNN : La décision de l'Iran de couper les caméras de surveillance de l'AIEA est-elle la fin des mesures de surveillance supplémentaires que l'Iran a acceptées dans le cadre de l'accord sur le nucléaire ?
Grossi : Non, en soi, mais c'est très proche.
CNN : A quelle étape se trouve l'Iran actuellement et quels sont ses projets ?
Grossi : Nous disposons de nombreux outils pour vérifier les activités de l'Iran dans un certain nombre de domaines liés au JCPOA. (Après s'être référé aux outils de surveillance de l'AIEA, y compris les caméras et autres systèmes en ligne visant à avoir accès pour surveiller les activités nucléaires de l'Iran) Les parties doivent avoir une base, c'est-à-dire pour pouvoir confirmer une chose, nous avons besoin d’un volume nécessaire d’information pour savoir ce que l'Iran a ou n'a pas. Si cette étape n'est pas atteinte, il est techniquement impossible de parvenir à un accord. Vous pouvez avoir un accord basé sur l'ignorance (manque d'accès à l'information) ce qui, à mon avis, ne se produira pas. C'est pourquoi nous disons qu'il s'agit d'un problème très grave et qu'il aura certainement des conséquences.
CNN : Si l'AIEA ne peut pas garantir la continuité des informations sur le programme nucléaire iranien, pouvez-vous mener à bien le processus d’inspection et de surveillance de l'AIEA ?
Grossi : Nous ne sommes pas en mesure de travailler sur la base d'informations audio. Je ne pense pas qu'on puisse faire une bonne affaire sur des bases fragiles. Ce n'est donc pas faisable. Mais j'espère qu'il y a une chance de le faire. Lors d'une conférence de presse avec le Conseil des gouverneurs, j'ai dit que nous devrions avoir un dialogue avec l'Iran. Nous devons le faire immédiatement. Nous devons régler la situation. Ils savent que l'agence est prête à le faire et que c'est à eux de décider.
CNN : Le porte-parole du ministère iranien des Affaires étrangères a déclaré que tout cela était dû au manque de la vision à long terme auprès des États-Unis et de l'Union européenne. Le porte-parole du ministère iranien des Affaires étrangères a déclaré dans un tweet plus tôt que les États-Unis et trois pays européens poursuivaient des intentions au-delà de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) pour faire avancer une résolution basée sur des erreurs de calcul et des informations erronées contre le pays dont le programme nucléaire est le plus transparent dans le monde. Les fondateurs de cette action seront responsables des conséquences futures. Pouvez-vous préciser que l'Iran est un pays avec le programme nucléaire pacifique le plus transparent au monde ?
Grossi : L'Iran est peut-être le pays avec le plus d'inspections. C'est vrai. Mais cela est proportionnel aux activités qu'ils ont. C'est aussi une fonction dans le cadre de l'accord nucléaire et c'est aussi en partie le résultat des records passés. Nous n'avons pas le temps d'aborder cela maintenant. Mais c'est un bilan avec des bas et des hauts et des sections où ils n'ont pas été à la hauteur de leurs engagements. C'est une chose du passé. Nous voulons regarder vers l'avenir. Nous avons un problème maintenant. Le problème que nous avons maintenant est que nous avons besoin d'informations spéciales et ils [les Iraniens] ne nous donnent pas ces informations.
Je n'ai aucune opinion quant à savoir si l'Iran ou d'autres commentent ou non les résolutions. Il y a un problème certain. Le problème est que l'Iran n'a pas répondu à certaines des questions de l'AIEA. Le problème est que l'Iran le restreint maintenant au lieu d'accroître sa coopération avec nous.
Nous disons donc que cette situation va dans la mauvaise direction. En même temps, je dirais que même s'il s'agit d'un pas très sérieux dans la mauvaise direction, il est encore temps de faire de la diplomatie. Il est encore possible de s'asseoir à la table des négociations et d'essayer de rattraper ce qui s'est passé auparavant.
CNN : Vous avez récemment visité Israël [Palestine occupée]. Pensez-vous que le voyage en Israël [régime sioniste] a aggravé la situation vis-à-vis de l'Iran et a influencé les calculs menant à l'action de Téhéran aujourd'hui ?
Grossi : Je n'aime pas une telle méthode d'analyse. Si je devais négocier avec des individus, en fonction de tiers et de leur réaction éventuelle à mes actions, je ne serais pas en mesure de jouer le rôle de directeur général d'une organisation internationale. Bien sûr, je pense que certains points de vue sont tout à fait corrects. Il est important de noter que mon travail avec divers pays, y compris avec l'Iran, est dans le respect des responsabilités et des obligations légales. Il y a de gros problèmes si nous prenons des décisions politiques sérieuses et difficiles basées sur des réunions, des opinions, des citations ou des points de vue. Donc, ce dont nous avons encore besoin, c'est de travailler sur les problèmes, et l'Iran sait très bien quoi faire.
CNN : Que penseriez-vous s'ils faisaient ces choses sans vérification ?
Grossi : Plus ou moins, nous sommes capables de reconstruire. Nous pouvons reconstruire ce qui s'est passé. Mais ces plans sont des choses que vous faites pendant une période relativement courte. Vous ne pouvez pas travailler pendant de nombreux mois sans accès et sans information, puis vous direz probablement que ce montant existe. C'est pourquoi nous disons que nous pouvons gérer jusqu'à trois ou quatre semaines. Ce n'est donc pas une position politique et c'est l'évaluation technique de l'agence, mais nous laissons cela aux politiciens.
CNN : Mais c'est une question très importante. Vous dites que vous avez besoin d'une surveillance pour vérifier ce qui se passe. Si vous ne pouvez pas effectuer la surveillance dans ces trois ou quatre semaines, vous vous inquiétez de ce que le programme nucléaire iranien va accomplir ?
Grossi : Le fait est que je crains de ne pas pouvoir confirmer ce qu'ils ont et ce qu'ils ne devraient pas avoir.
CNN: Vous dites que l'Iran a trois à quatre semaines. Si ce délai expire, un coup mortel sera porté au JCPOA. Pensez-vous qu'un mois plus tard cette crise entrera dans un espace nouveau et inconnu ? Si oui, quelles sont vos inquiétudes pour l'avenir ?
Grossi : Je dois dire que mon estimation n'est pas politique mais technique. Mon estimation est basée sur la durée approximative pendant laquelle nous ne pouvons pas accéder à ce type d'informations. En d'autres termes, le temps pendant lequel nous pouvons regarder les centrifugeuses tourner et continuer à produire l'uranium enrichi ou regarder la centrifugeuse se construire et s'assembler alors que nous n'avons aucun contrôle sur les sites.
CNN : Négociez-vous actuellement avec vos homologues iraniens ou envisagez-vous de vous rendre à Téhéran ?
Grossi : J'espère pouvoir le faire. Je l'espère. C'est ce que nous essayons de faire et nous avons essayé de comprendre ce que nous voulons dire de toutes les manières possibles. En même temps, nous disons que ce moment, alors qu'il a déjà commencé, est une opportunité qu'il convient d'utiliser au mieux de nos capacités.