Téhéran (IRNA)- Au pied du Mur des Lamentations, Mur occidental de la mosquée Al-Aqsa, se tient aujourd'hui une vaste esplanade. Auparavant y était implanté un quartier maghrébin, vieux de huit siècles, rasé par l'armée sioniste à la fin de la Guerre des Six jours en 1967.

Fondé en 1187 par Saladin, vainqueur des croisades, le quartier maghrébin de Jérusalem accueille pendant près de huit cents ans des pèlerins au long cours, venus du Maroc, d’Algérie et de Tunisie. En effet, il n’existait qu’un passage de moins de quatre mètres entre le Mur occidental et les premières maisons des résidents maghrébins. 

Ce quartier a été constitué sous forme de waqf insaisissable à partir de la reprise d’Al-Qods par Saladin. L’habitat de ce quartier n’était pas très différent de celui de la Vieille ville. Les habitants étaient des locataires du waqf qui devait leur assurer un ensemble de services.

Dès avant la Grande Guerre, le mouvement sioniste a essayé d’en faire l’acquisition afin de le détruire pour créer une esplanade devant le Mur, ce qui est naturellement impossible puisqu’il s’agit d’un bien inaliénable. Sous le Mandat britannique, le waqf, étant maghrébin d’origine, peut apparaître pour certains responsables français comme un instrument d’influence. En 1929, il se trouve au centre des événements dits des émeutes du Mur des lamentations.

les habitants du quartier maghrébin de Jérusalem le sont à plusieurs titres : orphelins de l'Empire colonial français mais aussi plus largement orphelins des empires islamiques déchus, protégés par les derniers feux de l'ambition coloniale française avant d'être piégés par la montée en puissance du projet national israélien. Ce n'est pas un hasard, sans doute, si les derniers documents que l'on peut collecter à propos des anciens habitants du quartier maghrébin proviennent de l'Unesco, de l'Unrwa, du Croissant-Rouge ou de la Croix-Rouge : aujourd'hui délogés de leur ancien lieu de vie, déracinés et déplacés, réfugiés à Silwan, Naplouse, Jéricho ou Amman, ces orphelins d'empires sont témoins d’une page triste de la Palestine occupée.

« Jusqu'en 1967, il y avait cent-trente-cinq maisons, un millier d'habitants d'origine maghrébine, qui s'appelaient Al-Maghrib, El Tounsi, El Marrakchi, El Karoui. Les organisations sionistes, depuis le début du XXe siècle, cherchent à s'emparer de ce quartier pour le détruire. C'est une décision qui vient de loin, mais qui relève (en 1967) d’un opportunisme opérationnel. L'histoire du quartier maghrébin, c'est pour moi un microcosme qui éclaire la globalité de l'histoire de Jérusalem, depuis l'époque de Saladin jusqu'à aujourd'hui. », rapporte Vincent Lemire, historien et auteur du livre ‘’Au pied du Mur. Vie et mort du quartier maghrébin de Jérusalem (1187-1967)’’.

 Destruction du Quartier maghrébin par les bulldozers sionistes

Quand une nuit, du 10 au 11 juin 1967, ces quelques centaines d’habitants sont forcées par les autorités israéliennes de quitter les lieux. Dès le lendemain, les bulldozers rasent toute trace d’existence de ce quartier. Depuis 1967, la mémoire cet événement est béante. Aucune plaque, aucun nom de rue ne rappellent l'existence du quartier maghrébin détruit. Touristes et habitants ont oublié que jusqu’à la deuxième moitié du XXe siècle, il occupait l’esplanade située au pied du Mur des Lamentations, un lieu de culte aujourd’hui très symbolique pour l’entité sioniste.

Mais ce dossier a une dimension particulière pour les francophones aussi. Quant aux archives diplomatiques françaises, elles révèlent que dans les années 1950, encore dans l’ère coloniale, ce quartier était protégé par la France, qui se présentait alors avec fierté comme une « puissance musulmane » au Maghreb et au Proche-Orient.


Au moment où la Ville sainte est à nouveau au cœur des tensions géopolitiques qui secouent la région, cet article voulait offrir un point de vue historico-politique pour mieux comprendre Al-Qods, la ville trois fois sacrée, qui attend son futur Saladin, pour être de nouveau libérée.

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