Seyyed Abdul Hussein Charafeddine est né en 1290 AH (1873) dans la ville sainte de Kazemeyn (une citée chiite près de Baghdad). Il est le fils de Seyyed Yousef Charafeddine Moussavi. Sa mère était une noble dame de la grande famille Sadr très influente même aujourd’hui en Irak, au Liban et en Iran. Sa lignée pure et brillante remonte jusqu’au septième imam chiite, Moussa al-Kazim (d’où vient son titre Moussavi).
Il a étudié dans la célèbre école islamique de Najaf en Irak. Il a effectué une visite de pèlerinage en Iran où il se rend dans les villes religieuses de Qom et de Machhad (mausolée du 8e imam chiite). C’est lors de ce déplacement que les jeunes révolutionnaires dans le rang des clergés chiites iraniens ont pu faire connaissance avec les idées socio-politiques de Charafeddine surtout son attachement à l’unification Sunnite-Chiite, à la lutte contre le colonialisme et au mouvement du réveil islamique au Moyen-Orient.
Engagement contre l’empire Ottoman
Depuis 1516 jusqu’au 1920, le Levant était sous l’occupation ottomane. Les autorités sunnites de cette région avaient un traitaient négatif contre les ulémas chiites du Mont Liban. Les Etats iraniens présentaient toujours un soutien à l’égard de la minorité duodécimaine dans cette région. Pendant la Première Guerre mondiale, le gouvernement ottoman a publié un décret au Liban selon lequel toute personne capable de porter une arme doit entrer dans l’Armée. L’autorité ottomane a exempté uniquement les érudits religieux sunnites et chrétiens. Charafeddine a agi à cet égard et a essayé jusqu'à ce qu'un ordre soit émis par la Porte Sublime d’Istanbul pour exempter les oulémas chiites.
La lutte contre le colonialisme français
Au lendemain de la Première Guerre mondiale et de l’effondrement de l'Empire ottoman, au Levant (la Syrie et le Liban), un système du mandat a été imposé par la France. En effet, conformément à l'accord Sykes-Picot signé par la Grande-Bretagne et la France pendant la Première Guerre mondiale, les Britanniques ont occupé la majeure partie de la Mésopotamie ottomane (Irak moderne) et la partie sud de La Syrie ottomane (Palestine et Transjordanie), tandis que les Français ont pris le contrôle du reste de la Syrie ottomane, le Liban, l'Alexandrette (région chiite syrienne occupée aujourd’hui par la Turquie) et des parties du sud-est de la Turquie. Au début des années 1920, le contrôle britannique et français de ces territoires est officialisé par la Société des Nations et, le 29 septembre 1923, la France se voit confier le mandat de la Société des Nations sur la Syrie, qui comprend le territoire de l'actuel Liban et d'Alexandrette en plus de la Syrie moderne. Le mandat français a duré jusqu'en 1943, lorsque deux pays indépendants, la Syrie et le Liban, ont émergé. Les troupes françaises ont finalement été chassées de la Syrie et du Liban en 1946.
Sous l'occupation française, le Liban a connu un processus de sécularisation majeur, alors que le gouvernement colonial tentait d'occidentaliser les masses en promouvant des éléments irréligieux dans la société. Une répression généralisée a résulté lorsque les gens se sont révoltés contre les forces d'occupation. Seyyed Charafeddine a convoqué une conférence des principaux ulémas du Liban, et ils ont déclaré la fatwa du Jihad contre l'occupation française. Un arrêt de mort a été immédiatement émis contre Seyyed Charafeddine et ce grand savant chiite a été contraint de quitter précipitamment sa maison pour la Syrie puis l'Égypte. Cependant, les Français ont démoli sa maison et incendié sa bibliothèque, qui contenait des milliers de livres et de manuscrits inestimables. Malheureusement, beaucoup de ses livres et articles ont été perdus lors de cette attaque, un fait que le Grand Ayatollah a pleuré pour le reste de sa vie. Sa maison à Tyr a été pillée par des soldats français, ses livres et manuscrits ont été confisqués, une autre maison dans un village voisin a été incendiée. Il fuit à Damas, puis dût quitter cette ville pour l'Égypte et ensuite pour un bref séjour de plusieurs mois en Palestine.
Seyyed Charafeddine a poursuivi une lutte intellectuelle contre le gouvernement colonial. Chaque fois qu'il recevait des cadeaux monétaires de la part de croyants, il en faisait don pour aider la Résistance. De plus, il a poursuivi ses activités académiques, scientifiques et humanitaires en fondant des écoles et des centres de charité. Il a également créé le College Jaffari, qui était jusqu'à récemment un institut renommé d'enseignement islamique supérieur au Liban.
Seyyed Charafeddine a combattu à la fois le colonialisme français et l'arrogance des féodaux locaux. Ses luttes contre le colonialisme français et la cause de l'indépendance libanaise sont bien connues. La tentative d'assassinat de Seyyed Charafeddine sur ordre de la France s'inscrit dans cette lignée.
Charafeddine est entré dans la lutte politique, suite à la demande de la communauté chiite du Mont Liban et pendant la guerre d'indépendance libanaise, il s'est tenu aux côtés du peuple et a assumé la direction religieuse et politique pour les opprimés libanais. Pour former un soulèvement général et coordonner les mouvements anti-français à travers le pays, il a appelé les oulémas et les dirigeants du Mont Liban à convoquer un congrès général dans une ville à la frontière libano-syrienne.
Seyyed Charafeddine et les liens avec l’Iran
Les ulémas du Mont Liban était en contact avec les chiites iraniens depuis l’ère Safavide (1501-1722). Seyyed Charafeddine aussi avait des contacts réguliers avec la nation iranienne. Lors de son séjour en Irak, il a étudié les grands cours de jurisprudence, hadith, théologie, etc. pendant de nombreuses années, suivant les leçons des grands érudits iraniens du séminaire de Najaf, une école chiite fondée il y a plus de 1000 ans par le grand savant iranien le Cheikh Toussi. Parmi les professeurs iraniens de Charafeddine l’on peut citer : Agha Reza Isfahani (mort en 1322 AH), Akhund Khorasani (décédé en 1329 AH ), Sheikh Esfehani (décédé en 1303 AH ), Sheikh Abdullah Mazandarani (décédé en 1330 AH ), Seyyed Mohammad Kazem Tabatabai Yazdi (décédé en 1337 AH ), Mirza Hossein Nouri (décédé en 1320 AH), Cheikh Fathullah Shariat Esfahani (décédé en 1339 AH ). (Les dates sont d’après le calendrier islamique de l’hégire).
Voyage en Iran
À la fin de 1355 AH (1937), il partit en Irak pour visiter les sanctuaires sacrés des Saintetés chiites. En 1356 AH (1937-38) il se rendit en Iran pour visiter les sanctuaires sacrés de Qom et Machhad ainsi que le séminaire islamique de Qom. Il était en Iran pendant 25 jours et à Téhéran. Il fut accueilli par de nombreux personnalités scientifiques et religieuses. Aussi, les gens pieux, les savants de la ville se sont précipités pour lui rendre visite et ont essayé de l'honorer et de le respecter. Charafeddine a quitté Téhéran pour Qom pour visiter le sanctuaire de Fatemeh Masoumeh et en vue de visiter le séminaire de Qom et les érudits de Qom, qui étaient sous la pression sévère de l'oppression et de la tyrannie de Reza Khan. Il reste dans cette ville pendant 4 jours chez le père de l’Imam Moussa Sadr.
Après ce pèlerinage et cette visite à Qom, il partit pour Mashhad et passa 5 jours à Mashhad chez l' ayatollah Seyyed Hossein Qomi. Il a été accueillie dans toutes les villes le long du chemin, et des discussions scientifiques entre lui et d'autres scientifiques ont conduit à leur reconnaissance scientifique par Seyyed Charafeddine. Le voyage de Charafeddine en Iran a duré près d'un mois.
Seyyed Charafeddine a défendu le mouvement populaire de la Nationalisation de l'industrie pétrolière en Iran en 1951. Cela s'est produit en raison de la connaissance de Charafeddine de la nature de ce mouvement et de les objectifs des dirigeants islamiques, y compris l'ayatollah Seyyed Abolghassem Kashani.
L’Iranien Martyr Nawwab Safavi, en route pour participer à la conférence Quds, il a été pour une soirée l'invité d'Allameh Charafeddine et a parlé avec lui des questions politiques et sociales importantes des pays islamiques.
Une tentative pour unifier les chiites et les sunnites du Moyen-Orient
En Egypte, alliance avec Al-Azhar et la lutte contre les Britanniques :
Contraint de quitter le Levant suite aux pressions françaises, le leader des Chhites libanais se rend en Égypte. Au Caire, Charafeddine a correspondu avec Salim Bashari, le grand Mufti de l’Al-Azhar. Il a rencontré d'autres érudits sunnites et a eu des discussions scientifiques, religieuses et philosophiques. Les permis et approbations scientifiques ont honoré et glorifié le statut scientifique et intellectuel de Charafeddine. En plus de fréquenter les mosquées et les cercles scientifiques, politiques et littéraires, il a rencontré et parlé avec divers individus et groupes chaque jour, et la plupart de ses discours ont été publiés dans des publications égyptiennes de l'époque.
Seyyed Charafeddine a également soutenu le mouvement arabe antibritannique en Égypte et la nationalisation du canal de Suez en 1956. Cette victoire du peuple égyptien a été l'un des mouvements les plus prometteurs du monde islamique.
En Arabie, l’imam de prière dans la mosquée la plus sacrée des musulmans :
En 1340 AH (1922), Charafeddine fit le pèlerinage à la Mecque par voie maritime. À la demande du roi Hussein (Roi du Hedjaz renversé par le clan Saoudite), des prières collectives ont eu lieu dans la Sainte Mosquée sous la direction de Charafeddine. Ce fut probablement la première prière de cette importance dirigée par un érudit chiite au Masjid al-Haram, le lieu le plus sacré pour les musulmans sunnites et chiites. Il est également rendu à Médine en 1328 AH (1922) et a visité le sanctuaire du Prophète et aussi le mausolée des honorables imams chiites au cimetière de Baghie (avant sa destruction par les wahhabites 4 ans plus tard).
La lutte contre le sionisme et l’engagement pour la libération de la Palestine
À la fin de 1338 AH, il a été exilé vers une colonie en Palestine appelée Ulama, située près de Jabal Amel (Mont Liban). Il a alors décidé d'être présent dans la partie la plus proche du Liban, pour continuer ses luttes anticolonialistes.
Charafeddine s'est opposé à la domination des français et a combattu le régime colonial jusqu'à ce que les agents français quittent le Liban et la reconnaissance de l'indépendance du pays en 1945.
A cette époque, la Palestine était sous domination britannique. Au cours de cette période, Charafeddine considérait la migration des Juifs sionistes vers la Palestine un complot dangereux pour l'avenir de ce pays islamique et, par conséquent, a toujours mis en garde contre le danger des Juifs sionistes en Palestine.
Les contributions posthumes du Seyyed Charafeddine pour la communauté chiite
En 1377 AH (1957), Seyyed Charafeddine mourut après une vie brillante de la lutte politique. Au milieu d'une vague de chagrin, son corps a été transporté à Beyrouth puis transporté par avion à Bagdad, Kadhmiyya et Kerbala. À chacun de ces endroits, des érudits et des chefs religieux se sont réunis pour rendre un dernier hommage. Il a finalement été inhumé dans la cour du sanctuaire de l'Imam Ali à Najaf, à côté de son professeur iranien Seyyed Mohammad Kazem Tabatabai Yazdi. Peu de temps avant sa mort, le grand Ayatollah Charafeddine a nommé l’Iranien Seyyed Moussa Sadr comme son successeur. Ce dernier a fondé Le mouvement Amal et le Conseil suprême des Chiites au Liban. Les activités d’Imam Moussa Sadr et le Martyr Chamran ont donné naissance dans les années 1980 au mouvement de la résistance islamique au Liban, connu plutôt par le titre du Hezbollah