Diplomatie culturelle : l'Iran et la France, si loin, si proches

S’exprimant à l’occasion d’une interview accordée à la correspondante de l’IRNA, Faezeh Taheri, Jean-Claude Voisin, un ancien diplomate français en mission, jadis, à Téhéran et qui se passionne pour l’art et l’histoire, s’attarde sur le rôle de la diplomatie culturelle dans les relations bilatérales face aux défis politiques.

Les relations Téhéran-Paris qui ont failli connaitre une nouvelle dégradation, suite aux déclarations irréfléchies et politiques d’un diplomate français depuis les Etats-Unis, ont été sauvées grâce à Notre-Dame de Paris en feu qui a rassemblé l’Iran et la France attristée, autour d’elle dans une émotion largement partagée dans le monde afin d’exposer une fois de plus le rôle de la diplomatie culturelle dans les relations des deux pays, fiers tous deux de leurs singularités historique et culturelle.

Après plus de six mois d'absence d'ambassadeurs français à Téhéran et iranien à Paris, les deux pays se sont enfin entendus pour échanger des diplomates. Mais Téhéran a été obligé à convoquer l'ambassadeur français Philippe Thiébaud, le jour même de la remise d’une copie de ses lettres de créances à Zarif, en raison d'un message controversé posté sur Twitter par son collègue en poste à Washington Gerard Araud.
Faisant face à « une violation majeure de l'objet et de l'objectif du PGAC et de la résolution 2231 du Conseil de sécurité», Téhéran avait besoin de connaître la position officielle de Paris à ce sujet…
Mais entre ouverture et tension c’est une fois de plus la diplomatie culturelle qui triomphe : La cathédrale brûle et la politique s’arrête :
« Attristé que Notre-Dame, ce monument emblématique consacré à la prière de notre Dieu unique et qui nous a tous rapprochés à travers le chef-d’œuvre littéraire de Hugo soit partiellement détruite après avoir résisté aux guerres et révolutions pendant 800 ans. Nos pensées sont avec les Français et tous les catholiques », écrit M. Zarif sur son compte Twitter.

Les réactions étaient unanimes chez les médias en France pour saluer le geste. Ce qui rappelle le rôle historique joué par la diplomatie culturelle dans l’histoire des relations internationales, et tout particulièrement entre la France et l’Iran.
Pour l’historien et l’ancien diplomate français, Jean-claude Voisin qui est également co-fondateur et rédacteur en chef du magazine Paris-Téhéran, la route est longue mais pas impossible et le chemin en vaut la peine.

Voici sa réflexion et ses réponses à nos questions :

1) Que pensez- vous sur la diplomatie culturelle qui peut changer le ton politique entre Téhéran et Paris ?

- Le contexte actuel rend toute démarche, qui passe par les créneaux officiels, très difficile et compliquée voire déformée. La méfiance est trop grande. Les interférences sur les relations bilatérales ou internationales de chacun brouillent la sérénité d'un climat exempt de toute pression, tant nationale qu'internationale. Ainsi actuellement la diplomatie culturelle officielle reste une utopie.

2) Quelle sont les potentiels de la culture pour réparer les relations politiques bilatérales ?

- Fort de mon expérience et des précédents, non seulement entre la France et l'Iran mais aussi entre deux nations dans un climat de tensions politiques et économiques, je pense que seule la société civile peut rester la garante d'une compréhension et d'un respect mutuel. Les jumelages, qui en sont à leurs premiers pas entre la France et l'Iran, la coopération scientifique (coopération universitaire ou entre laboratoires) , l'archéologie partagée, le partenariat entre nos grandes Institutions culturelles (par exemple Musée du Louvre/ Musee Bastan Chenassi), les festivals de musique, de cinéma, les grandes expositions croisées, peuvent rester au-dessus des polémiques et permettre une meilleure connaissance de chacun et par là une autre vision de l'Autre, dans la notion de partage et de respect.

3) Que pensez-vous sur la culture et la civilisation de l’Iran ?

- Que dire? L'image de l'Iran, au-delà de la désinformation entretenue par de nombreux lobby, reste dans une grande partie des Français, celle d'un pays de grandes civilisations ; celle d'un peuple éduqué, fier de son Histoire, de ses savants. Même si la France ignore encore tout ce que notre civilisation occidentale doit à l'Iran/Perse, tant à travers les inventions qu'à travers la transmission de savoirs originaires d'Inde, de Grèce, d'Egypte, de Chine.
Si la culture reste le garant de ce respect et de cette admiration, le développement du tourisme en Iran aiderait considérablement à changer l'image actuelle de l'Iran et des Iraniens que tant de détracteurs cherchent à caricaturer.
Les Français sont curieux de redécouvrir les 5000 ans de civilisation, encore faut-il organiser ce développement du tourisme. Il y a là un atout majeur pour l'Iran, indépendant des a priori et des caricatures. La mise en valeur du patrimoine iranien avec les moyens modernes qu'offre la technologie, reste une voie à développer; ce qu'on a bien compris la Turquie, les Républiques d'Asie Centrale….Les spécialistes français peuvent apporter leur expertise. L'organisation par les institutions culturelles iraniennes de tournées en France des grands ensembles de musiques traditionnelles savantes ou folkloriques participerait de la construction d'une autre image. Les concerts de musique iranienne, les semaines du cinéma iranien existent en France mais il faut un véritable engagement à l’échelle d’Etat permettant de diversifier l'offre et de montrer toute sa richesse.

En ce qui concerne le tweet de solidarité de M. Zarif, Jean-Claude Voisin, l’auteur de « L'Iran si loin si proche », un livre international consacré à ce partenariat multiséculaire mais pas toujours facile, indique : « C'est parfait. Je pense que seule la tolérance rapproche les peuples et les croyances. Malheureusement, le retour n'est pas toujours au rendez-vous. Cela honore encore plus le ministre, qui, grâce à ses nombreuses années passées aux USA comprend la mentalité occidentale. Preuve en est son succès lors de la signature du JCPOA (l’Accord international sur le nucléaire iranien). Il est un exemple en Iran.


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