Le grand poète dont le nom signifie « petit ruisseau » en persan, Roudaki, est né en 858 dans les environs de Pendjakent, à 200 km au nord de Douchanbé, la capitale du Tadjikistan. Dès l’âge de huit ans, il récitait par cœur le Coran. Plus tard, sa renommée de fin poète et de brillant musicien et chanteur étant parvenue à Boukhara (aujourd’hui en Ouzbékistan), on l’invita à la cour en qualité de poète officiel.
Il y passa une grande partie de sa vie au service de la dynastie des Samanides (875-999). Capitale du premier grand État indépendant iranien après l’entrée de l’Islam en Iran, Boukhara était considérée comme le centre de la culture persane. Les Samanides ont encouragé le développement des sciences, de l’architecture et de la poésie persane.
La population de cette région se distinguait par son niveau d’érudition, l’Islam ayant contribué à une large diffusion de textes sacrés. D’après le philosophe, écrivain et médecin persan Avicenne, la bibliothèque de Boukhara recelait « des livres dont nombre de personnes ignoraient jusqu’à l’existence ».
Le poète de la simplicité inaccessible, Roudaki est parvenu à fondre dans son art les traditions musico-poétiques préislamiques, le chant iranien et des formes nouvelles de versification arabe. Roudaki a joué un rôle important dans l’usage de l’alphabet arabe pour les mots en pahlavi, un moyen de préserver la langue persane, après la conquête de l’Asie centrale par les musulmans et la diffusion de l’islam.
Les vers du « père de la poésie iranienne », comme on l’appelait communément, sont pénétrés de sa foi dans la force de la raison humaine, dans la sagesse de l’expérience, dans la volonté de maîtriser le savoir et dans l’accomplissement du bien et de la justice. Le laconisme, la simplicité de son expression poétique ont donné naissance à un nouveau style littéraire, connu sous le nom de style Khorassani ou style Roudaki, qui a dominé la poésie persane pendant plusieurs siècles.
Encore au Moyen Âge, les érudits qualifiaient le style du poète de « simplicité inaccessible ». Célébrant la nature, l’homme, ses sentiments nobles et ses idéaux, il a également abordé les questions de philosophie et de morale, s’efforçant d’améliorer les mœurs de l’époque par la force du verbe poétique. Il a été le premier, dans la poésie persane, non seulement à porter son regard sur l’homme, mais aussi à le placer au centre de son art : l’homme ordinaire, « terrestre », qui pense de façon simple et limpide.
Roudaki a excellé dans différents genres poétiques – roubaï, ghazal, qasida, kitia, masnavi et autres poèmes lyriques galants. Mais de toute son œuvre, il ne subsiste qu’une seule qasida et une quarantaine de roubaï (quatrains). Le reste est constitué de fragments d’œuvres panégyriques, lyriques et didactiques, notamment du poème « Kalîla et Dimna » et de cinq autres extraits de poèmes.
Après avoir servi plus de 40 ans à la cour samanide, le poète est tombé en disgrâce, vers la fin de sa vie, en raison des motifs politiques. Il a perdu ses yeux suites aux tortures subies. Il est mort en 941 à Pandjroud, son village natal. Un mausolée-jardin abrite son tombeau qui se trouve actuellement au Tadjikistan.
« Depuis que le monde a surgi des ténèbres, personne encore, sur Terre, n’a regretté d’avoir consacré sa vie à l’étude. » Abu Abdullah Roudaki (858-941)
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