3 sept. 2023, 14:23
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Affaire du JDD en France : la liberté de la presse réduite à une propriété

Téhéran (IRNA)- Après quarante jours de grève et de polémique médiatique, Vincent Bolloré, propriétaire du JDD a enfin imposé un directeur proche de l’extrême droite à la tête de ce fameux hebdomadaire français.


L’éditorial du mois septembre du magazine « Le Monde diplomatique » a été dédié à l’affaire de la nomination de Geoffroy Lejeune à la tête du Journal de Dimanche. Sans vouloir entrer dans les détails des raisons de ce choix par Bolloré célèbre pour ses idées religieuses et sans vouloir juger les positions du nouveau chef du JDD, on insiste sur un point important dans l’atmosphère du journalisme en France. Le principe de la liberté de la presse a été sacrifié à l’autel des idéaux de la propriété dans la définition économique occidentale sans considérer les valeurs culturelles des médias. Une maladie contagieuse qui se propage en France à l’ère du régime Macronie. Voici un extrait de cet article signé par Benoît Bréville (Diplômé de l’Université Panthéon-Sorbonne), président et directeur de la rédaction du manuel « Le Monde Diplomatique ».

« Pendant le creux éditorial des vacances, les médias ont été tenus en haleine par l’histoire terrifiante du Journal du dimanche. Bible hebdomadaire de la bourgeoisie libérale, le périodique est réputé pour ses entretiens ministériels complaisants, ses reportages de Bernard-Henri Lévy et sa détestation des mouvements sociaux. En juin dernier, le milliardaire Vincent Bolloré a imposé à sa tête un directeur proche de l’extrême droite. En menant quarante jours de grève, la rédaction a soudain découvert la rudesse du combat social qu’elle qualifiait de « grogne » quand d’autres s’y livraient. Cela n’a pas empêché la reparution, le 6 août, d’un hebdomadaire mis en conformité avec les idées de son nouveau propriétaire, lequel avait appliqué la même recette à la chaîne i-Télé, rebaptisée CNews.

Entre-temps, une grêle de pétitions et de tribunes s’est abattue pour exprimer un attachement sans bornes « à ce journal, à son indépendance, à son goût du récit. (…) À ses valeurs républicaines, totalement opposées à celles de l’extrême droite » (dixit une tribune publiée par Libération). Dans Le Monde, pas moins de quatre cents « personnalités du monde politique, économique, social, culturel, associatif ou sportif » s’associaient pour dénoncer une « atteinte aux libertés démocratiques ». Parmi elles, l’ancien premier ministre socialiste Lionel Jospin, la maire de Paris Anne Hidalgo, l’eurodéputé macroniste Pascal Canfin, mais aussi le rappeur Joey Starr, la comédienne Sandrine Kiberlain, le cuisinier Yves Camdeborde…

Longtemps, les élites françaises ont encouragé le contrôle des grands moyens d’information par les puissances d’argent, fustigeant comme « populiste » toute critique de ces liaisons dangereuses. Depuis une dizaine d’années, le ton a changé. Fragilisée par les industries numériques, désarçonnée par l’écartèlement de la pensée dominante entre centrisme libéral et extrême droite conservatrice, la presse traditionnelle fait presque figure d’espèce à protéger. Face à la puissance potentiellement déstabilisatrice de francs-tireurs comme MM. Bolloré, Daniel Kretinsky ou, aux États-Unis, Elon Musk, il convient à la fois de dénoncer la mainmise de certains milliardaires sur les médias et d’écarter toute solution susceptible d’y remédier. Pourtant, soit l’information relève d’un service d’utilité collective et sa production doit échapper au marché, soit elle est une marchandise et nul ne peut alors empêcher qu’elle s’achète et se vende comme une botte de poireaux. Ni que le propriétaire d’un journal en détermine la direction éditoriale.

Hostile au tournant de l’hebdomadaire dominical, la ministre de la Culture Rima Abdul-Malak a résumé d’un trait d’humour involontaire la quadrature de la raison médiatique : « On ne peut ni contraindre la liberté de la presse, ni contraindre la liberté d’entreprendre » — même si la seconde fait peser une menace mortelle sur la première. Au fond, les indignés de la classe dirigeante ne déplorent pas que la liberté de la presse se réduise à une propriété ; ils s’inquiètent qu’un journal qui les sert puisse échapper à leur contrôle exclusif. Un rachat par M. Bernard Arnault les aurait-il fait broncher ? »

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