14 févr. 2025, 18:51
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Israël et Trump face au droit international : impunité et mépris absolu

Téhéran (IRNA)-Interrogé par la rédaction en langue française de l’IRNA, Bernard Cornut, spécialiste français du Moyen-Orient et expert en énergie, souligne que les récentes déclarations de Donald Trump sur un déplacement forcé des Palestiniens de la bande de Gaza, et les actions d'Israël constituent une violation flagrante des principes fondamentaux du droit international. Il appelle la communauté internationale à réagir fermement face à ces atteintes répétées à l'ordre juridique mondial. Il insiste sur l'importance de préserver les normes internationales pour garantir la paix et la justice. Voici l’intégralité de l’entretien de l’IRNA avec ce connaisseur des sociétés, institutions et de l'histoire de tout le Moyen-Orient.

 1- Quels sont, selon vous, les objectifs de Trump dans son plan visant à déplacer de force la population de Gaza ?

Lors de sa conférence de presse avec Netanyahu, Trump a évoqué l’état actuel de la bande de Gaza, très détruite, sans signaler d’ailleurs qui l’avait détruite, et la nécessité de déblayer les gravats, en proposant de déplacer les habitants « temporairement ou définitivement ». C’est la logique d’un promoteur immobilier, ce qu’il fut, mais qui ne se soucie pas de l’attachement des habitants à la terre, ni de leur histoire, qu’il ignore. Comme Trump a souvent regardé des notes, je pense que ces mots lui furent suggérés, par son envoyé spécial, Steve Witkoff, lui aussi promoteur immobilier qui avait fait un petit tour à Gaza. Trump n’a aucun objectif, sinon de rester au pouvoir et d’espérer un Prix Nobel. Il est facilement influençable et manipulable, car il ne connait ni l’histoire tragique de la Palestine, ni le droit international. En téléphonant au maréchal égyptien Sissi, il pensait le convaincre d’accueillir 2 millions de Gazaouis, il a dû lui dire « temporairement …». Idem ensuite avec le roi Abdallah II de Jordanie, à qui il a dû dire « pas tous, la moitié iront en Egypte, Sissi est d’accord… » Dès sa jeunesse, Trump a appris à mentir, à provoquer, à menacer.

2- Le plan de Trump n’est-il pas une continuation de la politique de génocide contre les Palestiniens ?

S’il était mis en œuvre contre la volonté des habitants palestiniens, ce plan de transfert serait évidemment une nouvelle violation du droit international, une continuation du génocide entrepris par les dirigeants sionistes éradicateurs, aujourd’hui par les dirigeants israéliens, car ce qui constitue un génocide, c’est l’intention et la mise en œuvre d’un plan concerté pour soumettre une population déterminée à des conditions invivables. Et cela a été déjà précisément documenté dans la plainte déposée dès fin 2023 auprès de la CPI. Plusieurs autres rapports l’ont confirmé.  Comme tous les magistrats, les juges de la CPI doivent tout vérifier, cela prend du temps, mais déjà le premier ministre et l’ancien ministre de la Défense israéliens font l’objet de mandats d’arrêt pour crimes de de guerre et crimes contre l’humanité. Ceux qui n’ont cessé de livrer des armes destructives à une armée d’occupation devraient aussi être inculpés pour complicité car la Convention contre le génocide requiert aussi la prévention.

3- De nombreuses élites et analystes ont décrit le plan de Trump comme un exemple concret de destruction d’une nation dans sa patrie ancestrale. Quelle est votre opinion à ce sujet ?

Après les déclarations de Trump, de nombreux commentateurs ont évoqué les transferts massifs de population avant et après le traité de Lausanne de juillet 1923, et ceux survenus lors de la séparation du Pakistan de l‘Inde. Mais après les horreurs de la 2ème guerre européenne devenue mondiale, le droit international s’est renforcé avec la Charte des Nations Unies et de la CIJ puis la Déclaration Universelle des Droits Humains et les Conventions de Genève et leurs protocoles additionnels. Même s’il est difficile de définir ce qu’est une nation, un peuple, une patrie, les faits sont là : quand vos parents, grands parents et d’autres générations sont nés, ont vécu et travaillé sur une terre, vous y êtes attachés. Tout colon armé et financé de l’extérieur qui prétend vous chasser, vous spolier ou vous assujettir, cela génère une résistance reconnue légitime. Cela s’est passé dans tout le continent de l’Amérique pendant 4 siècles, avec des colons venus de tout l’Europe.  Mais aussi au Proche Orient et dans les Balkans du fait de l’Empire Ottoman. Et en Algérie aussi, du fait de la France pendant plus d’un siècle. Les peuples ont la mémoire longue mais l’histoire est d’abord écrite par les vainqueurs.

4- Selon certains sondages, plus de la moitié du peuple américain s'oppose au projet de Trump de forcer le déplacement des Palestiniens. De nombreux experts voient dans cette décision un soutien de Trump au gouvernement Netanyahu, qui n’a pas réussi à atteindre ses objectifs au cours de la guerre de seize mois à Gaza.

Quelle est votre opinion à ce sujet ?

Il est heureux qu’une majorité d’américains s’oppose un transfert forcé.  Quand une majorité a voté pour Trump après une campagne promotionnelle très couteuse, qui dénie pour moi tout caractère démocratique à de telles élections, il n’y avait pas de transfert des Palestiniens dans le programme. Certes d’autres projets de transferts d’immigrés clandestins, ce que ne sont pas les Palestiniens de Gaza qui sont pour la plupart issus de leur terre sur place ou des terres spoliées des environs, là où il y a des villages de retraités israéliens. Le gouvernement Netanyahu avait des objectifs illégaux, illusoires. On ne soumet pas un mouvement de résistance populaire.

5- Quelle est votre évaluation du soutien de certains pays arabes à ce plan Trump et de la trahison que certains pays arabes ont commise à l’encontre du peuple palestinien ?

Dans leurs déclarations, les dirigeants pays arabes ont tous récusés cette intention de transfert hors de Gaza vers leurs pays, notamment les 2 pays sollicités par Trump, Egypte et Jordanie. Néanmoins, je distingue toujours les pays arabes très riches, du fait de leurs exportations de pétrole et d’absence de sanctions, et les pays arabes moins riches, soumis à des sanctions abusives, souvent illégales, et ayant subi des guerres provoquées et entretenues… Les opinions publiques arabes souhaitent toutes une solution juste et durable à ce conflit colonial vieux de plus d’un siècle. Les dirigeants des pays arabes, élus démocratiquement ou non le plus souvent, doivent en tenir compte, de toutes façons… Même le prince saoudien régnant MBS a dû déclarer qu’il ne signerait rien avec l’Etat israélien s’il n’y avait pas un Etat de Palestine reconnu et souverain.

6- La tentative de Trump de normaliser les relations d'Israël avec les pays arabes, un plan qui avait été pratiquement oublié avec la guerre de Gaza.

Lors du premier mandat de Trump, lui et son gendre Kushner, inspirés par tous les conseillers à double nationalité qui arpentent la Maison Blanche et le Congrès, ont proposé un Plan à quelques pays arabes, certains dirigeants y ont souscrit, soit ceux de pays riches bien infiltrés qui ne rendent jamais compte à leurs populations, comme les EAU, ou de pays qui croient avoir besoin d’un soutien américain, militaire et/ou financier. Ce Plan entretenait l’illusion qu’on pouvait se passer d’un règlement juste et durable de la question de Palestine.

7- Selon vous, quelle est la meilleure solution à la question palestinienne ? Netanyahou a-t-il atteint ses objectifs dans la guerre ?

Dans le Droit International, le droit des peuples à l’autodétermination est un principe inaliénable, mais en réalité très difficile à appliquer. Qu’est-ce qu’un peuple ? qui va en définir les critères ?  Combien de générations nées sur place ?  Quelles limites administratives anciennes à considérer, les limites ottomanes, britanniques, celle de textes bibliques écrits sur des centaines d’années ? Dans le Droit international actuel, la Charte des Nations Unies dit en son article 51 que le Conseil de Sécurité a à tout moment le devoir et le pouvoir de rétablir la paix et la sécurité internationales. Alors qu’il agisse ! Le pouvoir, c’est explicité dans le Chapitre VII, et en avril 2025 la France assurera la présidence du Conseil de Sécurité. Qu’elle prenne l’initiative avec d’autres pays pour proposer une Résolution précise et adaptée.

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