Docteur en Science politique, auteur d’ouvrages et de nombreux articles sur les problématiques régionales, Didier Billion a en outre réalisé de multiples études et notes de consultance pour des institutions françaises (ministère de la Défense, ministère des Affaires étrangères) ainsi que pour des entreprises françaises agissant au Moyen-Orient.
L’auteur de l’article « L'Iran n'est pas "l'axe du mal", il faut le réintégrer sur la scène internationale » en 2013 à l’OBS, M.Didier Billion qui enseigne également au sein d’IRIS SUP, s’est entretenu ce weekend en exclusivité avec notre site officiel dont vous en trouverez ci-dessous des extraits. Bonne lecture.
1. Joe Biden, le président élu des Etats-Unis a manifesté son intention de rejoindre l’accord sur le nucléaire iranien (JCPOA), mais il a quand même qualifié de « difficile » la tâche, pourquoi à votre avis, une telle « intention » ? Et pourquoi ce retour est « difficile » ?
J. Biden veut en revenir à une politique plus multilatéraliste et ainsi se démarquer de son prédécesseur D. Trump. C’est pour cela qu’il parle du JCPOA. Difficile parce qu’il veut négocier des éléments qui ne se trouvaient pas dans le JCPOA, ce avec quoi les dirigeants iraniens ne sont pas d’accord. Pas question pour eux de négocier des éléments supplémentaires. Biden est conscient de cette difficulté à venir.
2. Les Européens ont toujours parlé de la nécessité pour l'Iran de revenir à ses obligations dans le cadre du JCPOA alors que l’Iran avant de démarrer son plan de réduction de ses engagements en matière nucléaire, avait pleinement respecté toutes ses obligations mais des Européens n’ont pas pris de mesures efficaces pour préserver cet accord. Est-ce qu’à votre avis, des Européens veulent-ils vraiment maintenir le JCPOA? y a-t-il, à votre avis, assez de volonté et indépendance chez les Européens à ce sujet? Qu'est-ce qui fait peur à l'Europe à l’égard du respect de ses obligations?
Je n’ai malheureusement guère d’illusions sur leur volonté de recourir à une véritable négociation avec l’Iran.Ils ne l’ont pas fait à l’époque de Trump je ne vois pas pourquoi ils le feraient plus désormais. Les Européens ne parviennent pas à s’autonomiser à l’égard des Etats-Unis et attendent l’aval de Washington pour prendre des décisions. De plus les Européens sont très divisés entre eux sur la relation avec l’Iran
3. Les Européens semblent avoir salué le résultat des élections américaines et être satisfaits de la défaite de Trump. Quelle en est la raison à votre avis?
Espoir d’un retour au multilatéralisme.
4. Les sanctions américaines, qui ont entravé l'accès de l'Iran aux médicaments et à l'équipement médical et ont rendu plus difficile pour l'Iran de lutter contre le coronavirus, peuvent maintenant empêcher l'Iran d'avoir tout accès au vaccin COVID-19. Que pensez-vous de ces sortes de sanctions qui visent la santé humaine?
Ce n’est évidemment pas acceptable. Ce type de chantage doit être dénoncé avec la plus grande fermeté. On ne peut faire de la protection de la vie un objet de marchandage !
5. À votre avis, quels étaient les objectifs cachés de l'assassinat d'un éminent scientifique iranien et qui sont des acteurs éventuels de cette terreur? Quelles sont les conséquences ou les retombés de l'assassinat de scientifiques et de personnalités scientifiques des pays?
C‘est un moyen de pression, une menace, une sorte d’avertissement à l’égard de l’Iran. C’est un acte de type terroriste probablement à l’initiative des services secrets israéliens, bien que nous n’ayons évidemment pas de preuve sur ce point.
6- En 2020, nous avons vu l'escalade des différends opposant les États-Unis et l'Union européenne. La coopération au sein de l'OTAN, les relations commerciales, le JCPOA (l’accord nucléaire iranien de 2015) … les pommes de discorde entre les États-Unis et l'Europe se sont multipliées sous Donald Trump. Comment Expliquez-vous ces fissures dans les relations Europe-USA sous mandat du Président finissant.
Parce que Trump décidait seul sans rendre compte à quiconque et sans consulter jamais ses partenaires. Les Européens voyaient alors leurs intérêts en opposition avec ceux des Etats-Unis mais sans jamais être capables de s’y opposer véritablement.
7- Suite aux attaques terroristes en Europe, tous les dirigeants des pays européens le condamnent immédiatement, ce qui est bien sûr une très bonne prise de position, mais quelle est la différence entre une attaque terroriste en Europe et celle perpétrée en Iran: La terreur de l’éminent scientifique nucléaire iranien? Pourquoi des dirigeants des pays européens ne sont pas prêts de le condamner? Comment évaluez-vous ce comportement? Ce n’est pas le double standard de l’occident?
Oui, en effet deux poids deux mesures. Pourtant nous sommes confrontés au même défi terroriste et il devrait y avoir unité et initiatives communes sur ce dossier.
8- Malgré les efforts de l'administration Donald Trump pour établir la paix entre les talibans et le gouvernement afghan, en pratique, cette paix prétendue n'a pas encore créée et l'Afghanistan reste le théâtre d'événemeents sanglants. La présence de troupes américaines et étrangères en Afghanistan n'est-elle pas un obstacle à la paix? Quelle solution pourrait être meilleure pour l'Afghanistan: une solution régionale et cela à l'aide des voisins ou des solutions transrégionales?
La difficulté réside dans le fait que les Talibans sont dans une phase de renforcement de leurs positions politiques et donc moins enclins à faire des concessions. De mon point de vue c’est l’ONU qui devrait prendre en charge le processus de négociations, mais je n’y crois guère et suis assez pessimiste.
9- Quels sont les projets et objectifs du gouvernement d'Emmanuel Macron comme l'un des principaux acteurs au Liban? La décision américaine d'ajouter le Hezbollah à la liste des groupes terroristes n'a-t-elle pas un impact négatif sur les efforts de l'administration Macron pour faire des réformes au Liban?
Emmanuel Macron a perdu une bonne partie de sa crédibilité au Liban parce qu’il a voulu imposer ses solutions sans écouter les Libanais eux-mêmes. En outre la politique de Trump l’a en effet desservi en voulant marginaliser l’acteur probablement le plus important sur la scène politique libanaise, à savoir le Hezbollah.
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